« Des artistes qui cherchent et ne trouvent rien (au contraire de Picasso qui déclarait superbement « je ne cherche pas, je trouve »), des révolutionnaires qui s’en prennent au monde plutôt qu’au mal, des idéologues à qui l’humanité ne convient pas car elle déborde le cadre de leur « idéal », des nihilistes qui rejettent Dieu à cause de la souffrance des enfants mais qui ne font rien pour ces enfants, des juges qui ne veulent juger que d’eux-mêmes et qui mettent à mort la transcendance (qui seule permet le jugement), telles sont les figures de l’homme de la fausse indignation – soit l’homme du ressentiment. Faire semblant de souffrir pour les autres, se réjouir secrètement de tous les maux qui permettent d’accuser la vie, glorifier sa propre (in)suffisance, voilà donc comment fonctionne celui qui, avant toutes choses, ne supporte pas que l’on se défende réellement contre ce qui nous menace. Car l’homme du ressentiment ne veut surtout pas que quelque chose s’arrange et puisse discréditer son indignation – comme ces humanitaires qui seraient bien malheureux si le monde ne l’était plus. L’homme du ressentiment a besoin du mal pour se sentir utile – tel Tobias Mindernickel, ce personnage d’une nouvelle de Thomas Mann, qui n’est heureux que lorsqu’il console son chien, et qui, pour ce faire, le bat, le fait gémir, le console, le rebat, le refait gémir, le reconsole, et à la fin, le tue. »
Du bon et du très mauvais usage de l’indignation
Pierre Cormary
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