Go ahead, make my day

Le Monde diplomatique a publié récemment une critique de l’œuvre de Clint Eastwood. Si son analyse est assez pertinente sur les caractéristiques des sujets que le cinéaste a traités en quarante ans de carrière, leur lecture marxiste est assez irritante.

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Philippe Person commence par rendre hommage au talent de faiseur du cinéaste et à son charisme. Ce point est difficilement contestable, même si l’on peut lui reprocher un certain académisme. La critique porte en fait exclusivement sur les thèmes du cinéma Eastwoodien : d’abord, une vision passéiste et réactionnaire de l’Amérique ; ensuite, une fascination pour l’individu, sans égard pour la société ; puis, son attitude élitiste et aristocratique ; finalement, son goût prononcé pour la liberté.

Eastwood est peut-être le cinéaste de la nostalgie. Avec une telle carrière, tant de rôles archétypes, ce n’est pas surprenant. Cela n’en fait pas automatiquement un cinéaste réactionnaire. En s’attachant à l’individu plus qu’à la société, il se pourrait qu’Eastwood soit avant tout un cinéaste de l’intime. En s’attachant à des héros qui s’écartent du troupeau, il se pourrait qu’au lieu d’être un fasciste, il soit plus intéressé par la transcendance que le matérialisme. Enfin, son goût pour la liberté n’est égalé que par son insistance sur la responsabilité personnelle. Son héros finit souvent par payer son intransigeance.

En somme, ce qui échappe au critique, c’est le sourd désespoir, la profonde désillusion des films de Clint Eastwood. Tous ces héros solitaires, cherchant vengeance et rédemption, expriment aussi le désarroi de l’Homme face à son époque : un héros seul face à ses démons, à son destin, que la société rejette. Eastwood n’est jamais très loin de la tragédie et ses héros se débattent dans la mélasse morale, contre eux-mêmes tout autant que contre la société. Ce désespoir fait du cinéma eastwoodien un récit paradoxalement très contemporain. En montrant les turpitudes de losers célestes dans un monde tel qu’il est, froid et individualiste, il est bien plus actuel qu’un cinéma social à message, désincarné dans l’idéologie.

5 Replies to “Go ahead, make my day”

  1. D’accord avec toi, passer ces rôles d’Inspecteur Harry, les films comme million dollar baby ou plus récemment gran torino sont des chefs d’œuvres. Voir là dedans la pointe d’un marxisme quelconque relève de la masturbation intellectuelle.

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    1. C’est plutôt une tendance réactionnaire ou ultra-libérale que le Monde diplo reproche à Clint ici. Ça me semble un peu fort, tout de même… et surtout une lecture très idéologique de son œuvre.

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  2. C’est intéressant comme analyse. Bon, vu ma grande expertise en Clint Eastwood réalisateur (j’en ai vu à peu près deux), je ne vais pas trop commenter, mais j’aime bien tomber sur ce genre d’articles. (Le tien, hein, pas celui du Monde Diplo.)

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