[Slate.be] L'expérience belge

Le magazine Slate a tenu à célébrer la fête nationale belge et les quelque 400 jours sans gouvernement en laissant la parole à des Belges ou assimilés. Dont moi.

Mais alors, qu’est-ce donc qu’un pays sans gouvernement ? Un miracle d’auto-gestion baba-cool? Un paradis libertarien? La Belgique est loin d’être un paradis et l’absence de décisions politiques a parfois des conséquences importantes à long terme. C’est le cas par exemple de la politique scientifique belge. Nous allons voir qu’elle illustre très bien les défis et les risques de la crise actuelle… [La suite est à lire sur Slate]

Sciences: la mauvaise expérience belge

Google supprime la presse quotidienne belge

« Ça y est, Google ne vole plus les contenus durement écrits par la presse belge. Alors, @lesoir et @lalibrebe, heureux ? » Ce sont par ces mots et non sans sarcasme que Yann a salué la nouvelle. Suite aux victoires judiciaires de Copiepresse ((Pour un résumé de l’affaire Copiepresse vs. Google, vous pouvez consulter cet article de DataNews. [via @GregIenco])), la société de gestion des droits des éditeurs de presse quotidienne belge francophone, contre Google, ce dernier a décidé de contre-attaquer.

Bye bye, les quotidiens belges. Disparus des résultats de recherche. Par exemple :

La Libre Belgique [Sur Google]

• Le Soir [Sur Google]

Cette décision est-elle surprenante ? Mateusz (journaliste lui aussi) l’avait pourtant prédit. Ce n’était qu’une hypothèse mais elle pouvait bien arriver. Gagné ! Sauf pour la presse quotidienne belge francophone. Perdu ! Les concurrents de la télévision vont, eux, passer un excellent weekend.

P.S. : Comme Yann est génial, il a développé son avis sur son blog. Je vous encourage à le lire.

Carnaval des amoureux

Charles Bricman a lancé le mouvement, voici le résultat :

[Lettre à la Belgique] J'ai attrapé quelque chose

Je l’ai attrapée sans m’en rendre compte. C’est peut-être en me baladant au bord de la Meuse ou de l’Escaut, à Bruges ou à Ostende qu’elle m’est tombée dessus. C’est peut-être la faute à l’humidité. Ou bien c’est l’air de la région. Il n’est pas toujours assez gris pour se pendre mais il faut admettre que ce ciel a un drôle d’air. Je suis né à Brest alors je m’y connais.

Et si c’était la nourriture ? J’en ai sans doute trop mangé, de ces stoemp, ces potjevleesch, ces carbonnades, ces frites, ces boulettes. Je me suis peut-être empoisonné, à la longue. Et pourtant je suis français, je devrais être mithridatisé, non ?

C’est peut-être dans les salles surchauffées de quelque bar bruxellois ou d’un modeste estaminet flamand qu’elle m’a été inoculée. La promiscuité, allez savoir. Ou alors ce sont ces drôles de sons qui emplissent les gorges, ces i qu’on ouvre, ces r qu’on grasseye, ces g qu’on gutturalise. Je fais mon possible pour garder mes u les plus pointus mais j’ai bien peur que ce soit un peu contagieux.

Oui, c’est fort possible que ce soient les gens, en fait. Ce n’est pas tant leur art de vivre que leur façon de rire et de s’ennuyer. Je crois que c’est plus une maladie de l’esprit que du corps. Mince. J’ai bien peur que le cerveau soit touché.

Il faut que je vous décrive les symptômes. C’est une sorte de gaieté triste, qui vient par vagues. J’ai comme une nostalgie, un sentiment de petitesse et de finitude. Mais très léger. Je vous jure que pour un français, ça fait bizarre.

À chaque tempête, à chaque fois que le temps passe à l’orage, j’ai comme une douleur à la poitrine. Mince. Voilà que le cœur est touché.

J’ai attrapé une maladie d’amour, on dirait. J’ai attrapé la Belgique.

Sur une idée de Charles Bricman.

Indignez vous !

Belgique. Plus de 200 jours sans gouvernement. Au delà de ce dernier épisode de crise politique et institutionnelle, la guerre de tranchée qui se livre dans le champ politique depuis des années ne donne pas de signe d’essoufflement. Si l’on en juge par l’agacement croissant, elle a plutôt tendance à empirer. La logique nationaliste des uns bute sans cesse et de manière plus irrémédiable à chaque fois contre la volonté des autres de conserver un semblant d’unité. Il faut se rendre à l’évidence, ces deux époux ne s’aiment plus, s’ils se sont jamais aimés. Comme dans un long divorce, avec ses discussions sordides et ses coups de gueule, les enfants passent de la colère à l’abattement en espérant surtout que ça s’arrête.

L’analogie est bancale, je sais. Les citoyens belges ne sont pas des enfants. Le monde politique belge, avec ses arrangements hallucinants, ses discussions minables et sa logique de clan, travaille en circuit fermé. Paradoxe, dans un pays pourtant très démocratique, où le vote est proportionnel et obligatoire, où les élus sont souvent assez proches des électeurs. Les citoyens se sentent impuissants face à une hystérie politique collective attisée par des extrémistes minoritaires. Les Belges sont les plus braves ? Peut-être. César soulignait aussi l’incroyable indolence de ces Gaulois querelleurs. Ils ont rejoint  l’empire, comme les autres.

Pourtant, il y a comme une légère brise de révolte qui souffle, comme une insurrection qui vient. À la Belge, bien sûr. Dans le petit royaume fritier comme chez Astérix, la caricature du belge placide et bonhomme n’est jamais loin. On s’amuse du prochain record du monde. On regarde, goguenard, les grandes personnes se gonfler le cou et monter sur les ergots. On a la blague facile et on proteste mollement en campant sa tente virtuelle devant le palais du premier ministre.

Se pourrait-il que l’agacement des citoyens prenne un tour plus sérieux ? L’appel à la manifestation pour le 23 janvier pourrait recueillir plus que les rieurs et les oisifs. Réunis sous la pluie (l’une des rares choses encore partagée équitablement entre le nord et le sud du pays), il se pourrait que les marcheurs du 23 montrent un soudain esprit de responsabilité, qu’ils exigent enfin des actes, qu’ils prennent un peu leur destin en main. Une sorte de passage à l’âge adulte. Ô Belgique, ô mère chérie ? Tes enfants ont un truc à te dire.

Élections, piège à…

Dimanche, c’est journée électorale en Belgique. J’entends beaucoup de mes amis se demander pour qui ils vont voter. Comme je ne suis qu’un immigré ici, je n’ai pas ce choix difficile à faire. Heureusement, d’ailleurs.

La campagne a été courte et molle. Personne n’a vraiment abordé les deux seules questions qui valent, sauf à coups de slogan. La première, c’est la question socio-économique. La deuxième, c’est la question communautaire.

Le problème, c’est qu’on ne peut pas régler la première sans régler la seconde. Je suis convaincu qu’une majorité silencieuse des Belges n’en a rien à caler, mais le pays est divisé culturellement et politiquement. Cette majorité n’est donc pas représentée et tout le monde subit la dictature des minorités agissantes : un vrai deal perdant-perdant.

Le résultat ? À défaut de voter pour un projet, la plupart des électeurs voteront pour leur couleur, en fonction de leurs affinités. D’après les sondages, cette situation nous garantit une solide victoire du PS en Wallonie et des nationalistes en Flandre.

Bon courage…

Liquidation totale avant fermeture

« Il n’est pas possible de négocier avec des nationalistes, parce qu’ils ne reviendront jamais sur un fait acquis pour eux (la “frontière linguistique”), et ne respecteront jamais les concessions qu’ils font (les facilités) si celles-ci ne servent pas leur idéal national. Négocier avec des nationalistes revient à grimper marche par marche un escalier mobile pour espérer monter dans un avion qui est déjà parti. »

Belgique ou bien démocratie, à nous de choisir (Marcel Sel)

Je considère que la nation peut être un cadre commode pour l’expression de la démocratie, quand elle est basée sur l’adhésion aux valeurs et non pas l’appartenance « ethnique ». La nation française ou la nation américaine se sont constituées, de manière littéralement révolutionnaire, sur des valeurs inclusives et pas sur le droit du sang. Même si, en France en tout cas, ces idéaux généreux ont été un peu dilués ces dernières années dans le sang impur et la méfiance de l’étranger, les nationalistes flamands n’ont en revanche aucun scrupule : ils bafouent les droits de la minorité francophone sans vergogne. Ils ont aussi contaminé une bonne partie du discours politique et des représentations, au point de rendre cette crise à la fois inévitable et insoluble. Il est temps de changer de perspective et de choisir radicalement le camp de la démocratie. Quitte à en finir avec la Belgique ?