Je l’ai attrapée sans m’en rendre compte. C’est peut-être en me baladant au bord de la Meuse ou de l’Escaut, à Bruges ou à Ostende qu’elle m’est tombée dessus. C’est peut-être la faute à l’humidité. Ou bien c’est l’air de la région. Il n’est pas toujours assez gris pour se pendre mais il faut admettre que ce ciel a un drôle d’air. Je suis né à Brest alors je m’y connais.
Et si c’était la nourriture ? J’en ai sans doute trop mangé, de ces stoemp, ces potjevleesch, ces carbonnades, ces frites, ces boulettes. Je me suis peut-être empoisonné, à la longue. Et pourtant je suis français, je devrais être mithridatisé, non ?
C’est peut-être dans les salles surchauffées de quelque bar bruxellois ou d’un modeste estaminet flamand qu’elle m’a été inoculée. La promiscuité, allez savoir. Ou alors ce sont ces drôles de sons qui emplissent les gorges, ces i qu’on ouvre, ces r qu’on grasseye, ces g qu’on gutturalise. Je fais mon possible pour garder mes u les plus pointus mais j’ai bien peur que ce soit un peu contagieux.
Oui, c’est fort possible que ce soient les gens, en fait. Ce n’est pas tant leur art de vivre que leur façon de rire et de s’ennuyer. Je crois que c’est plus une maladie de l’esprit que du corps. Mince. J’ai bien peur que le cerveau soit touché.
Il faut que je vous décrive les symptômes. C’est une sorte de gaieté triste, qui vient par vagues. J’ai comme une nostalgie, un sentiment de petitesse et de finitude. Mais très léger. Je vous jure que pour un français, ça fait bizarre.
À chaque tempête, à chaque fois que le temps passe à l’orage, j’ai comme une douleur à la poitrine. Mince. Voilà que le cœur est touché.
J’ai attrapé une maladie d’amour, on dirait. J’ai attrapé la Belgique.
Sur une idée de Charles Bricman.