Vendredi en fin d’après-midi, Anders Behring Breivik a fait exploser une bombe de forte puissance en plein cœur d’Oslo, sans doute pour faire diversion, puis a pris la direction de l’île d’Utøya où il a froidement abattu plusieurs dizaines de jeunes militants du parti travailliste, réunis pour l’université d’été de leur parti. Il y aurait plus de 90 morts. Pour préparer une opération où la froide méticulosité le dispute au déchainement de violence aveugle, Breivik avait pris soin de rédiger quelque mille cinq cents pages d’un manifeste dans lequel il détaille sa haine du multi-culturalisme, sa vision d’un ethno-différentialisme exacerbé fustigeant tour à tour les musulmans, les marxistes, la gauche, l’Europe.
Face à l’horreur insoutenable des faits, progressivement rapportés par la presse, la raison vacille à embrasser les tenants et aboutissants de cet incroyable événement. Tentant de surmonter l’hébétude, nous avons cherché à comprendre à la hâte, à mettre en forme, en récit l’absurdité. C’est avec intérêt et tristesse que j’ai observé, sur les réseaux comme ailleurs, le processus de distanciation que tout un chacun met en œuvre pour supporter l’insupportable. C’est ainsi que les conservateurs ont fait le portrait d’un fou solitaire et délirant. C’est ainsi que les progressistes le dépeignent comme un réactionnaire fanatique des armes et de suprématie raciale.
Ce que certains semblent ignorer, c’est la part terrible d’humanité qu’il y a chez Breivik. Il est peut-être fou, psychopathe, incapable de la moindre empathie. Nous commettrions l’erreur de succomber au même mal. Breivik n’est pas uniquement le produit d’un camp contre un autre. il n’est pas seulement le fruit d’un récit fantasmatique et cohérent de haine de l’autre. Nous le sommes tous un peu. Que nous ayons tous pensé à un attentat islamiste et que les faits, arrivant progressivement, nous aient révélé une toute autre motivation n’enlève rien au danger de ces discours radicaux, surtout quand de temps en temps ils produisent des actes aux conséquences funestes. Entre deux réjections radicales, il ne peut y avoir de choix. Nous sommes tous embarqués dans la même dialectique mortifère, moi y compris. C’est celle qu’il convient de briser : je suis Breivik, un peu. Je suis norvégien, beaucoup.
C’est Fox Mulder en blond…
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Nous, les monstres…
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