Un bel exemple de journalisme orienté : « Carlos Ghosn se dit « très préoccupé » par la série de suicides chez Renault ». Le journaliste indique qu’il y a eu au « Technocentre » de Renault à Guyancourt cinq suicides ces deux dernières années, sur un total de douze mille salariés. On apprend que le conseil d’administration, le PDG et les syndicats sont inquiets, craignant une « épidémie » de suicides. Des mesures vont être prises, nous assure-t-on. Les conditions de travail, qui ont changé ces dernières années pour une plus grande optimisation, causeraient avec l’informatisation (elle a bon dos, l’informatique) une « déshumanisation » croissante. La direction et les syndicats ont donc décidé d’y remédier (en retournant au boulier et à la Remington, je suppose). Malgré la bonne volonté affichée, l’article termine néanmoins par une note pessimiste.
Soit.
On ne peut que regretter que quelqu’un, poussé par le désespoir, en vienne à tenter de mourir. Mais ne succombons pas à l’émotion ! Que se passe-t-il exactement chez Renault ? Les pauvres salariés sont ils donc tous poussés au suicide par des petits chefs atrabilaires et vétilleux ? Le Monde va-t-il sauver la classe ouvrière ? La nouvelle classe ouvrière, j’entends, celle des cols blancs qui paie ces impôts et doit encore dire merci…
Non, évidemment. Rien de tout cela. D’après le ministère de la santé et l’INSERM, le taux de suicide dans la population générale est de 19 pour 100 000 habitants et par an. D’après ce rapport, datant de 2001 mais citant des chiffres de 1997, ce taux est sous-estimé d’au moins 20 %. Si nous faisons une hypothèse très conservatrice basée sur ces chiffres, on obtient un taux de suicide chez l’adulte de l’ordre de 2 pour 10 000 par an. Soit en deux ans : 4 suicides.
Mes félicitations aux cadres de Renault : vous êtes dans la moyenne. Le journaliste, que la charité chrétienne m’interdit de nommer ici, est lui moins que médiocre.