Hold-up sur les retraites

« Voilà donc le simplissime secret de ce qu’on pourrait appeler l’économie politique de la financiarisation : à quoi la finance carbure-t-elle en effet sinon… à l’épargne ? Et d’où viendra majoritairement l’épargne une fois les masses énormes des pensions jetées dans la bataille sinon… des salariés eux-mêmes ? Collectivement opprimés à leur frais comme salariés alors qu’ils essayent tous de défendre individuellement leurs intérêts comme pensionnés ! N’est-ce pas là manœuvre d’une suprême rouerie ? »

Le point de fusion des retraites, par Frédéric Lordon

La théorie de Coluche

Comme disait Coluche : « Oah, euh, on est cerné par les cons. » C’est vrai, disait-il, mais on sait pas à quel point. Aujourd’hui, j’avais un peu l’impression d’être le dix millième visiteur d’une grande foire aux cons internationale. Il y en avait partout. Le con, c’est ce drôle d’animal qui manifeste sa nuisance autour de lui, fier d’exhiber sa connerie aux yeux du monde. On ne parle jamais assez de la fierté conne, d’ailleurs. C’est dommage. Hé bien aujourd’hui, autour de moi, c’était la con pride.

Je vous passe, bien sûr, mes collègues et relations de travail con. Ce serait trop facile. Et puis, avec les collègues, on finit quand même par s’habituer un peu. Avec le temps. Même si ma tolérance aux cons est super limitée. En fait, je pense que je fais une allergie. Alors je fais semblant de pas trop les voir et puis quand c’est vraiment indispensable, je fais oui oui de la tête. Et s’il m’ennuient, je deviens agressif et je passe pour le mec pas sympa. Ce qui est TOUT À FAIT EXACT.

Je ne vous parlerai pas non plus de la petite vieille qui fait ses courses à 18 heures dans mon mini carrefour market au coin de la rue. D’abord, elle est un peu handicapée, cette petite vieille aux cheveux bleus. Alors elle recompte sa monnaie une bonne dizaine de fois. Elle laisse la caissière mettre ses achats dans son petit chariot de vieille. Alors ça prend un peu de temps. Alors toi tu es pressé parce qu’il est 18 heures et que tu as encore une chronique à écrire. Alors tu lui ferais bien bouffer sa perruque, à la vieille. Et puis tu te dis que prendre vingt ans pour avoir étouffé un vieille, c’est pas un super plan de carrière. Alors tu patientes. Comme un con.

De qui vais-je donc vous parler ?

Je préfère vous parler du type juste après la petite vieille. Celui, pourtant dans la force de l’âge, qui met un temps pas possible à ranger son paquet de chewing-gum et sa putain de bouteille de red-bull dans son sac à dos. Lui, j’ai vraiment eu envie de le pourrir. J’ai bien dû le maudir sur 49 générations. J’avais l’impression qu’il était là, avec son air de con, pour justifier à lui seul la phrase de Coluche. Oui, on est cerné par les cons.

Et puis j’ai réalisé qu’on était tous pareils. Voyant que tout était perdu, j’ai décidé de rentrer dans le rang. J’ai pris mon temps à la caisse, j’ai été à peine poli avec la caissière. J’ai été mielleux avec mon collègue qui fait des conneries. Bref, j’ai fait le con.

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Pour une application stricte des lois de la physique

Les lois de la physique sont inévitables. Quoi que vous fassiez, elles finissent toujours par se rappeler à votre souvenir. François Reichelt en apporta une preuve éclatante et définitive en 1912, en testant un costume parachute de son invention du premier étage de la tour Eiffel. La pelouse du Champ de Mars s’étant bien remise de sa rencontre avec M. Reichelt, n’en a gardé aucun souvenir. Heureusement, cet exploit fut filmé pour la postérité. De la même manière, nous pouvons facilement constater qu’il est difficile de remplir un récipient déjà plein, sauf à augmenter considérablement la pression que le contenant exerce sur ses parois. D’ailleurs, notre espèce, s’adaptant à son environnement, a développé toute une série de techniques pour utiliser, contrôler ou se protéger des forces de la nature. Parmi ces avancées, il y a par exemple le train, qui nous permet de nous déplacer bien au-delà de nos limites physiologiques.

François Reichelt

Ces expériences de physique, nous les répétons tous les jours, au point qu’on les considère souvent comme des évidences. Un enfant, lorsqu’il a chu une fois, finira par comprendre qu’on ne défie pas impunément la gravitation. Un amateur de vin comprend bien qu’il est difficile de faire rentrer un bouchon dans une bouteille pleine à ras bord.

Pourtant, il y des gens qui, avec constance, oublieux des leçons depuis longtemps apprises, repoussent les limites de la connaissance humaine et font fi du danger. N’écoutant que leur courage, sans souci pour leur intégrité physique et celle des autres, tels des Reichelt du 21e siècle, ils bravent les règles d’airain du monde physique, trop à l’étroit sans doute dans les frontières où nous autres humains habitons.

Je veux saluer ici avec toute ma considération les gens qui se mettent devant la porte du train et t’empêchent de descendre. En effet, s’il est évident pour les gens comme vous et moi irrémédiablement limités par le bon sens, l’éducation et un minimum de patience, qu’il est impossible de remplir de nouveaux voyageurs une voiture qui n’a pas été préalablement vidée de son contenu de voyageurs arrivés à destination, ces pionniers, eux, entendent prouver qu’il est parfaitement possible de marcher sur la gueule de leurs contemporains pour monter d’abord dans le-dit train.

Sans égard pour l’évidence première, sans doute trompeuse, qui voudrait qu’il faille en premier lieu laisser descendre ceux qui, déjà debout, s’apprêtent à vaquer à leurs occupations à l’arrivée du train, ces héros modernes manifestent leur scepticisme et leur curiosité toute scientifique en démontrant le théorème inverse.

On saluera leur génie à l’aune des résultats obtenus. C’est-à-dire rien. On leur souhaite donc une carrière aussi brillante qu’un tailleur qui se croyait parachutiste.

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Tri sélectif

Je vais vous entretenir aujourd’hui d’une nouvelle race de cons tout à fait extraordinaire. Cette nouvelle espèce est bien plus dangereuse que le conus domesticus. En effet, elle ne cherche pas à emmerder ses contemporains, comme son cousin le con commun. Elle n’a pas cet élan vital qui la pousse à signaler son importune existence en klaxonnant au feu rouge ou en tondant son gazon le dimanche à 9h. Non, cette espèce conspire littéralement contre l’humanité.

Quelle est donc cette étrange espèce d’humains ? me direz vous. Quelles sont ses moeurs ? Comment les reconnaître et les éviter ? Par quelles caractéristiques peut-on les différencier du con domestique, vous demandez-vous, la voix remplie d’inquiétude. Rassurez vous, c’est très simple. Vous pouvez à loisir les observer dans une activité qu’ils affectionnent particulièrement : l’écologie.

Par exemple, la BBC, l’Université d’Oxford et le Environmental Change Institute ont lancé il y a quatre ans un jeu éducatif sur l’écologie. Je sens déjà que votre curiosité est piquée. Qu’apprend-on dans ce jeu ? Hé bien que pour réduire les émissions de gaz carbonique, il faut réduire la population ! Quelle brillante idée, n’est-ce pas ? Cette idée a tellement plu qu’elle a même reçu le European Green IT Award.

Soylent green tastes just like chicken!

Un jeu si formidable appelait une suite. Ce sera chose faite dans un mois ou deux et ça s’appelle Fate of the World. Cette nouvelle version proposera aux joueurs d’utiliser l’euthanasie obligatoire, de développer des armes biochimiques sélectives, de déclencher une guerre nucléaire, d’inciter les gens à la violence et de renverser des dirigeants. Tout ça bien sûr pour nettoyer la terre de toutes ces impuretés qu’on appelle les êtres humains. Je suis très impatient de pouvoir jouer au petit Hitler (un grand ami de la nature, lui aussi) et j’imagine que vous l’êtes tout autant.

Quand je pense que le dernier prix Nobel de médecine a été attribué à Robert Edwards pour le développement de la fécondation in-vitro… Ce savant est responsable de la surpopulation, il mériterait l’échafaud. Soyons sérieux un instant : le péril est gravissime, il faut absolument établir des mesures coercitives pour imposer le tri sélectif des êtres humains. D’ailleurs, je propose qu’on commence tout de suite. Les écologistes en premier, bien sûr.

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Photo cc by-nc-sa par vj_pdx

Long et dur

Mes étudiants, eux aussi, sont très occupés à travailler toute la journée, dans l’ascétisme d’une étude longue et dure (comme ma bite).

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