La crise de la médiation

Après l’enregistrement du dernier podcast On a toujours raison, Sylvain et Isabelle m’ont posé la question à 1000 francs : à quoi ça sert twitter, au fait ? La principale critique était la suivante : un tel flux d’informations sibyllines est impossible à gérer, trop d’infos tue l’info, l’absence quasi-totale de structure abolit le discernement du lecteur assidu et le noie sous une masse d’informations non hiérarchisées qui finit par devenir indistincte.

Twitter n’a aucun but. C’est une plateforme, un substrat sur lequel se développe un écosystème d’applications ; reste à savoir si cet écosystème sera viable, mais c’est une autre affaire… La question centrale, c’est la crise culturelle de la médiation que nous vivons aujourd’hui. Les structures traditionnelles qui offraient une grille d’analyse et un filtre entre la complexité du réel et l’individu sont en crise. Elles le laissent seul face au réel, indéchiffrable car trop complexe, trop connecté, trop rapide. Il me vient trois exemples pour illustrer cette crise : la fin du pouvoir politique, du sacré et des médias.

Twolitique. La politique est aujourd’hui déconsidérée. Les acteurs politiques, quand ils ne courent pas après les portefeuilles pour leur seul profit, sont désarmés face aux défis mondiaux de notre époque. Leur aire traditionnelle d’influence et de pouvoir (pour faire simple, l’état-nation) devient lentement obsolète, inopérante. Pour satisfaire leurs mandants mécontents, c’est-à-dire rendre en apparence hommage aux rites démocratiques, ils ne font plus que réagir à l’actualité. Les lois de circonstances, drame après drame, mal écrites, ne servent plus qu’à masquer leur incapacité à infléchir la marche du monde. Ils n’ont, en somme, plus de projet à proposer, plus d’explication du réel à offrir aux citoyens.

Tweligion. La religion est une autre grande institution qui s’est donnée pour mission d’expliquer l’univers, de son origine à sa fin. Elle fournissait encore il y a peu un cadre de valeurs, une grille de lecture. Elle offrait un outil pour discerner le futile de l’essentiel. C’est maintenant dans le cyber-espace (oui, je fais mon âge, je dis cyber-espace si je veux) qu’une nouvelle intelligence collective, qu’un nouvel esprit, une nouvelle religiosité émerge. J’attends avec impatience les prochaines Révélations en 140 caractères, mais j’ai des doutes…

Twournalisme. Le dernier rempart de l’individu face au chaos du monde, c’est les médias qui l’ont patiemment érigé. Les journalistes tentent de décrypter l’information et de fournir une explication aux événements. Comment continuer à hiérarchiser l’information quand elle coule en permanence et en quantité ? Certains considèrent que nous sommes tous perdus face au chaos, d’autres observent une adaptation du public. Le web devient le filtre du monde pour les plus jeunes. Ensuite, l’information est présentée différemment. Frédéric Filloux définit trois catégories émergentes : le breaking-news consommable (twitter), l’agrégation participative qui crée du lien et l’analyse à valeur ajoutée. Enfin, les journalistes s’emparent des nouveaux médias pour travailler.

Trois médiateurs traditionnels sont en crise, et nous voilà seuls face à la complexité du monde, désemparés. Cette époque est décidément passionnante.

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