La liberté d’expression est un droit sacré. En Europe, on est prompt à défendre le droit des opposants des tyrannies du sud. Malgré l’oppression bien réelle qu’ils subissent là-bas, ils ont l’immense courage de continuer à l’ouvrir. Par ici, on prétend que c’est bien sûr l’inverse. Ici, mon cher, on peut tout dire, on est libre enfin. C’est évidemment bien plus compliqué que cela. Ces dernières années, de nouvelles lois font la liste de ce qu’il est interdit, sous peine d’amende voire de prison, de dire ou d’écrire. La liberté d’expression, même en zone libre, est strictement limitée. Pour quelqu’un comme moi viscéralement attaché à la liberté, cette judiciarisation du langage et, finalement, de la pensée est intolérable. Pourtant, je dois reconnaître que ces lois ont permis de faire taire (un peu) les négationnistes bas de plafond et les racistes les plus décomplexés.
Hélas, ces lois de censure ont aussi créé un dangereux précédent. Pourquoi s’arrêter aux salopards les plus scandaleux ? Après le racisme ordurier, le négationnisme absurde, pourquoi pas les insultes, les blagues, la promotion du tabac ? Pourquoi pas la contestation politique ? La pente de la censure est glissante. Une glissade qui se termine invariablement mal. Cette glissade est pourtant compréhensible : elle est avant tout animée de bons sentiments. C’est là que se trouve le problème fondamental. Au lieu de s’opposer au discours par la raison, on préfère l’interdire au nom des sentiments.
Illustration avec une petite aventure sur twitter ce weekend. L’ami PaKaL fait profession de dénoncer l’apathie sur twitter. Il a le chic pour allumer sans pitié les experts web auto-proclamés, les no-life qui racontent leur sortie au MacDo et leur vie sans intérêt. Il dénonce avec gourmandise la médiocrité technologique et les faux geeks qui s’ébaubissent devant les hochets neufs qu’on leur fourgue. Il fait tout cela dans un style… iconoclaste. Parfois carrément limite. Tout ceci n’est pas très grave car voyez-vous, sur twitter, on peut tout simplement choisir qui on veut lire. Ceux qui n’aiment pas le style viril du monsieur peuvent donc aller se faire cuire un œuf ailleurs.
Justement, le jeune blogueur Nathan Soret avait décidé très imprudemment de suivre cet admirable enfoiré de PaKaL. Celui-ci n’a pas manqué cette occasion pour se foutre de la gueule de l’adolescent verviétois. Je tiens à préciser que j’apprécie la personnalité et le style de Nathan. Voilà un gamin de 14 ans qui sait écrire, qui vole bien au dessus de la majorité de ses camarades de classe. Je ne suis pas vraiment fan de ses sujets de prédilection (le web, les réseaux sociaux, le personal branling, toussa) mais je suis sûr qu’il a assez de talent pour trouver sa voi(e/x).
« tien? le touche pipi de @nathansoret ne me follow déjà plus… halala si j’étais pédophile je lui aurais démonté son petit trou d’balle! »
PaK’ dans ses œuvres… 2:41 PM Mar 11th
On reconnait toute la finesse, l’élégance du style et les thèmes chers à l’auteur (essentiellement le caca). Cette vilaine blague est calibrée comme un missile (ou un suppositoire, disons) pour susciter l’ire du lecteur non averti. Avec l’efficacité redoutable qu’on lui connaît, l’enfant sauvage de Charleroi a donc provoqué des réactions.
C’est là qu’intervient notre chevalier blanc. Ce brasseur de vent, toujours à promouvoir son expertise sans jamais avoir rien réalisé pour la prouver, ayant senti le bon coup compassionnel, se lance sans qu’on ne lui ait rien demandé dans une petite croisade. S’il avait simplement appelé à ne plus suivre l’ami PaKaL, il se serait donné une image sympathique à bon compte. Et j’aurais bien ri en constatant que le genre de guignols que PaKaL exècre est précisément le moins sensible à son humour, préférant ne pas écouter l’importun plutôt que d’admettre leur médiocrité.
Là où tout dérape définitivement dans le n’importe-quoi, c’est qu’il appelle non pas à ne plus lire mais à le bloquer carrément. Non seulement je n’aime pas ce que vous dites, mais je me battrai pour vous faire taire définitivement. Bonne ambiance… L’appel aux sentiments de la foule m’a toujours révulsé. C’est sans doute pour de très bonnes raisons qu’on lynchait les noirs dans l’Alabama pour venger l’honneur d’une jeune fille. Je déteste les foules sentimentales.
Enfin, et pour rassurer tout le monde. Nathan est assez intelligent pour se défendre tout seul (bloquer PaKaL, par exemple). En tout cas, aux dernières nouvelles, Nathan va très bien, il est occupé par sa vraie vie d’ado. Merci pour lui.