The Amazing Grace Hopper

Je continue la série sur les femmes en informatique. Après Ada Lovelace, voici une autre héroïne : Grace Murray Hopper.

Une femme au service de son pays

Grace Murray est née en 1906. Étudiante brillante, elle est diplômée en mathématique et en physique par l’université de Yale en 1930, et elle épouse Vincent Hopper. Elle défend sa thèse de doctorat dans la même université en 1934. Elle enseigne alors les mathématiques à l’université Vassar, un college d’élite réservé aux femmes. En 1941, elle y devient associate professor.

Sa carrière semble toute tracée mais un événement mineur vient troubler cette routine : la deuxième guerre mondiale. En 1943, peut-être lassée d’enseigner aux jeunes filles de l’élite new-yorkaise, elle intègre la division féminine de la réserve de la marine américaine. Après ses classes, elle est affectée au projet de calculateur de l’université de Harvard. Elle travaille sur la programmation du premier calculateur automatique – le Mark I – conçu par IBM à Harvard.

Grace Hopper
Grace Hopper, UNIVAC, Computer History Museum

À la fin de la guerre, elle tente de poursuivre sa carrière militaire dans la marine mais elle est refusée à cause de son âge. Elle refuse un poste permanent de professeur à Vassar et préfère rester dans la réserve pour continuer à faire de la recherche dans le laboratoire d’informatique de Harvard. Cependant, en 1949, elle décide de rejoindre le secteur privé et va travailler pour l’entreprise fondée en 1947 par Eckert et Mauchly (les créateurs de l’ENIAC, le premier véritable ordinateur électronique). Durant les années 1950, Grace Hopper travaille sur UNIVAC, le premier ordinateur commercial disponible aux États-Unis. Elle conçoit le premier compilateur (appelé A-0). Elle concevra ensuite plusieurs compilateurs commerciaux, dont celui pour le langage FLOW-MATIC (aussi appelé B-0). Ce langage aura une très grande influence sur l’un des premiers langages de programmation modernes.

En 1959, devant l’augmentation des puissances de calcul et la demande croissante des entreprises et de l’administration américaine, il devient urgent de définir un langage de programmation standardisé. Ce langage devra être business oriented, c’est-à-dire satisfaire les besoins en gestion et calcul d’une entreprise ou d’une administration moderne. Le travail de Grace Hopper aura une énorme influence sur le résultat, appelé COBOL. Très populaire dans les années 1960 à 1980, ce langage est toujours employé de nos jours.

Dans les années 1960, à la tête du groupe des langages de programmation au sein du bureau des systèmes d’information de la marine, Grace Hopper développe des tests de standardisation pour le langage COBOL et son compilateur. Son travail forcera les différents fabricants d’ordinateur à standardiser leur langage.

Elle participe encore à de nombreux projets civils et militaires. Elle est rappelée par la Marine américaine en 1966, retourne encore au service actif en 1972 et est élevée au grade de capitaine en 1973. En 1983, son grade de commodore est renommé en vice-amiral (une étoile). Elle reçoit la Defense Distinguished Service Medal en 1986. Au moment de son départ définitif de la marine, elle en était le plus vieil officier supérieur. Elle travaille encore pour l’entreprise DEC jusqu’à sa mort en 1992. Elle est enterrée au cimetière national d’Arlington en Virginie, avec les honneurs militaires.

Une pionnière de l’industrie informatique

Pendant longtemps, la programmation consistait à dire à l’ordinateur ce qu’il devait faire. Il s’agissait de donner une suite d’instructions très simples qui indiquait pas à pas l’opération à effectuer. À l’époque, tout comme Ada Lovelace, on devait donc de manière fastidieuse écrire une longue liste d’instructions. Ce niveau de détail avait beaucoup d’inconvénients.

Avec les premiers ordinateurs généralistes, une propriété intéressante est apparue. Ces ordinateurs sont ce qu’on appelle des machines de Turing (je simplifie un peu cette propriété). Elles sont théoriquement capables de simuler n’importe quel autre algorithme. Cela signifie qu’on peut écrire un programme qui simule l’exécution d’une autre machine (qui elle même exécute un programme). On peut aussi écrire un programme qui écrit un autre programme. C’est ce qu’on appelle un compilateur.

Plutôt que d’écrire une liste d’instructions simples, on peut définir une seule instruction complexe (par exemple, parcourir les éléments d’un tableau ou afficher un bouton dans une fenêtre) pour réaliser une tâche qui a un sens pour le programmeur. Comme l’ordinateur ne comprend rien à ces instructions, le compilateur est chargé de les traduire en une liste d’instructions pour la machine. C’est grâce à cela qu’ont été conçus les premiers langages de programmation.

Avant l’apparition des premiers compilateurs, la programmation dépendait du matériel. À chaque génération, à chaque nouveau calculateur, on changeait de langage et il fallait tout recommencer. Les compilateurs ont permis d’écrire pour plusieurs machines, de transformer et d’adapter les programmes au fur et à mesure des besoins. C’est à cette innovation d’une grande importance pour l’industrie informatique naissante que Grace Hopper a largement contribué. Le fait que de nombreux programmes en COBOL sont toujours en service aujourd’hui prouve l’importance de son travail.

Pour terminer, voici une interview amusante de Grace Hopper par Dave Letterman en 1986.

— How did you know so much about computers then?

— I didn’t. It was the first one.

Cette femme était vraiment formidable.

Google Buzz ou l'inutilité des blogueurs high tech francophones

Hier soir, dans mon twitter, à l’heure où je vaquais à toute autre chose, Google a lancé un peu par surprise son nouveau service appelé Google Buzz. On ne s’étendra pas sur le nom (minable) ou sur la multitude de services (mal connectés). On ne glosera pas plus sur le fait que Google semble décidé à lancer tout et n’importe quoi, à copier n’importe quelle idée qui marche. Et même celles qui ne marchent pas. C’est un problème de riche.

Le plus drôle, ce sont les messages de certains spécialistes « aïetèque » francophones, apparemment coincés dans le métro, qui demandaient à la ronde ce que c’était, et à quoi cela pouvait bien servir. On cherchera en vain sur les blogues « high tech » de référence une quelconque info pertinente à ce sujet. Certains ont tout de même jeté un coup d’œil circonspect. De toutes façons, comme le service est encore en cours d’activation, la plupart ne saurait dire grand chose. Il ne reste qu’à profiter de la publicité en retapant les dépêches. Un peu comme ici. :-p

Je crois que cette observation ne fait que confirmer l’inanité, la vanité, l’inutilité du blogging « high tech » ((dans la mesure où internet peut encore être considéré comme de la haute technologie)) francophone. L’innovation se passe surtout en anglais. L’actualité se passe quand vous dormez.

La maison web : charpente et peinture

Vendredi et samedi se tenait le WIF Belgium, la manche belge du Webdesign International Festival, organisée par l’agence web namuroise Dogstudio. Durant deux jours, on pouvait assister gratuitement à une série de conférences et ateliers. Mais surtout, durant la Webjam, des équipes belges s’affrontaient pendant 24 heures pour créer un site web. L’épreuve consistait à imaginer le nouveau portail belgium.be. Les vainqueurs gagnent un voyage à Limoges pour la finale. On ne fera pas de blague sur Limoges, c’est pas si pire.

Après quelques abandons pour des causes diverses (fatigue, bière, jeux en réseau), cinq prix ont été attribués. Le prix du jury revient à l’équipe Lost Boys, qui propose de reconstruire la Belgique avec beaucoup d’humour. Le prix des étudiants revient à l’équipe Leser de l’HEAJ, qui démontre de belles qualités techniques. Le deuxième prix revient à l’équipe EPIC, pour leur idée d’application iPhone en réalité augmentée qui, si elle suit la tendance, est très bien réalisée. Enfin, le premier prix revient à l’équipe Pfaff Staff pour leur interprétation très drôle et décalée du sujet, puisqu’ils vous proposent de vous offrir un belge à vos mesures (la livraison en 24 heures est possible). La qualité graphique est remarquable et fourmille de bonnes idées.

Bigger Than Pixels

On soulignera la performance des copains de Bigger Than Pixels (@gregone@exibit et @mychacra ici en photo ((Photo de paperjam / CC BY 2.0))). Vous pouvez suivre leurs aventures sur leur tumblr. Ils ont interprété le sujet de manière beaucoup plus classique, mais aussi beaucoup plus intéressante, à mon avis. En effet, un tweet de Roald Sieberath, serial entrepreneur belge bien connu, m’a inspiré la rédaction de ce billet :

Web in Belgium: les charpentiers à Bruxelles (#fosdem) et les décorateurs à Namur (#wifbelgium).

Si le parallèle entre le FOSDEM, le forum international des geeks purs et durs, et le WIF est amusant, l’analogie avec la construction est limitée. Une maison, ce n’est pas qu’une charpente et de la peinture. Je ne voudrais pas faire mon chieur (juste un peu) et je félicite sincèrement tous les candidats et les lauréats pour leur superbe travail et Dogstudio pour l’organisation. On remarquera quand même que les lauréats du WIF, s’ils ont réalisé avec talent de très belles décorations, n’ont pas jugé utile de s’intéresser au plan de la maison, à l’inverse de Bigger Than Pixels (par exemple). Il me semblait que le design, c’était la forme et la fonction.

P.S. : la liste des participants et leurs projets sont par là, jetez-y un coup d’œil. 🙂

Douze raisons de rendre le mariage gay illégal

Je suis tombé sur cette liste définitive, pleine d’arguments de bon sens, par l’intermédiaire de Rakanishu, jeune homme plein d’avenir et bien sous tous rapports. Je me permets de la traduire pour vous ici, tant j’agrée ses convictions.

  1. L’homosexualité n’est pas naturelle, tout comme les lunettes, le polyester et la contraception.
  2. Les mariages hétérosexuels sont valides parce qu’ils produisent des enfants. Les couples infertiles et les personnes âgées ne peuvent pas se marier légalement parce que le monde a besoin d’enfants.
  3. Puisque tous les parents hétérosexuels élèvent des enfants hétérosexuels, les parents gay élèveront des enfants gay. C’est évident.
  4. Le mariage aura moins de valeur si les homosexuels obtiennent le droit de se marier. Vous ne voudriez pas que le mariage de Britney Spears, qui a duré 55 heures « pour s’amuser », n’ait pas de sens ?
  5. Le mariage hétérosexuel a toujours été ainsi et n’a jamais changé en aucune manière ; les femmes appartiennent à leur mari, un noir ne peut épouser une blanche et le divorce est illégal.
  6. Le mariage gay devrait être décidé par référendum, et pas par les cours de justice, car c’est le vote populaire, et pas la Justice, qui a toujours protégé les droits des minorités.
  7. Le mariage gay n’est pas autorisé par le religion. Dans une théocratie comme la nôtre, les valeurs d’une religion s’imposent à tout le pays. C’est pour ça qu’il n’y a qu’une seule religion aux États-Unis.
  8. Le mariage gay encouragera les gens à devenir gay, tout comme fréquenter des personnes de grande taille fait grandir.
  9. La légalisation du mariage gay ouvrira la porte à toutes sortes de comportements bizarres. Les gens voudront épouser leur animal domestique. Déjà qu’un chien peut témoigner au tribunal ou signer un contrat…
  10. Les enfants ne peuvent pas vivre une vie épanouie sans un modèle masculin et féminin à la maison. C’est pour cette raison que les parents célibataires n’ont pas le droit d’élever leurs enfants.
  11. Le mariage gay changera les fondations même de notre société. Le mariage hétérosexuel a été institué depuis si longtemps qu’il est impossible de l’adapter aux nouvelles normes sociales, tout comme il a été impossible de s’habituer aux voitures ou à l’augmentation de la durée de vie.
  12. Les unions civiles offrent les mêmes avantages que le mariage, mais avec un nom différent. C’est bien mieux car les institutions « séparées mais égales » sont parfaitement constitutionnelles. Les écoles et les bus pour les noirs ont très bien fonctionné, le mariage séparé pour les gays et les lesbiennes fonctionnera aussi bien.

Ça fait du bien de lire des idées positives et saines sur ce blog…

iPad : le consensus des analystes

Paroles, paroles, paroles…

Je lis beaucoup de sites et d’opinions sur le dernier produit Apple. Entre les fanboys ineptes et les ravis de la crèche qui ont découvert l’informatique la semaine dernière, je frise l’overdose. Si l’on enlève ceux qui racontent n’importe quoi (ils sont nombreux) et ceux qui ne l’ont pas encore essayé, on peut résumer le consensus des analystes par… rien. Comme dit justement David Pogue, le monsieur technologie du New York Times et connaisseur d’Apple : “anyone who claims to know what will happen will wind up looking like a fool.” À défaut de pouvoir prédire l’avenir, faisons le tour des lieux communs vus ces dernières semaines sur le web.

L’iPad est un gros iPhone

Entre l’iPad et l’iPhone, après tout, la technologie est similaire, le système d’exploitation est à peine modifié, le nom est tellement ressemblant. Et là, c’est le drame. Tu es un chroniqueur en mal d’accroche pour une pige vite torchée ? Tu tombes dans le piège sordide tendu par ta propre médiocrité. Même à toi, il n’aura pas échappé que l’iPhone est un téléphone mobile. Il est donc destiné à être trimballé dans la poche. L’iPad est un… truc. Qui ne rentre pas dans la poche. Et qui ne permet pas de téléphoner. Les usages sont différents, la comparaison n’a ni queue ni tête. Mais à quoi sert l’iPad, alors ? Si tu ne sais pas à quoi ça sert, c’est que tu n’es pas dans la cible. Tu vas pouvoir continuer à dépenser tous tes sous pour fumer du crack.

Il lui manque juste un truc

La technologie bleeding-edge, la dernière norme, le dernier gimmick ? Ma grand-mère s’en fout. Ma mère s’en fout. Je m’en fous. La technologie n’est pas assez révolutionnaire ? Mais Apple ne te doit rien, mon petit père. Je pense même que Steve Jobs t’en veut personnellement. Oui, c’est ça. Ils ont lu sur ton skyblog que tu voulais un mini-projecteur vidéo HD qui fait également GPS et blender. Le tout à moins de 100 dollars. Et un mars. Et c’est pour ça qu’il n’y a rien de tout ça dans l’iPad ! C’est sûrement ça. Ou alors tu es con. Possible…

Y a pas de multi-tasking

Si tu arrêtais le crack et que tu te prenais de la Ritalin, tu pourrais enfin te consacrer à une tâche à la fois. Je ne vois pas en quoi la possibilité d’être interrompu à tout bout de champ peut améliorer la productivité, le confort d’utilisation ou l’expérience quand on lit un magazine ou qu’on lit un superbe article de blog comme celui-ci.

Mais y a même pas de Flash-euh !

C’est balot. Adieu xtube et les pubs. Adieu la typo moche, les jeux qui rament, le contenu mal indexé et peu accessible. Si seulement le web était aussi fermé que Flash, dans quel monde merveilleux vous seriez, hein ? Toi et tes copines de xtube.

Je ne lirai jamais sur un écran

À moins que tu ne l’aies imprimé, si tu lis cet article alors tu es en train de faire un gros effort. Je t’en remercie (on choisit pas son public). Sache que j’ai pu admirer les écrans à encre numérique. C’est une superbe technologie pour émuler du papier. Malheureusement, vu le déclin de la presse imprimée sur du papier pas numérique, je ne suis pas sûr que reproduire ce format soit un business d’avenir. M’enfin je suis toujours prêt à reconnaitre mes erreurs.

Mais alors, l’iPad est-il pour moi ?

J’en sais rien et franchement, je m’en fous. Je suis un gros consommateur du web. Les scénarios d’utilisation présentés par Apple me plaisent, ils m’évoquent des choses que je fais. Est-ce que j’en achèterai un ? Pas avant d’avoir pu l’essayer. Pas con.