Long et dur

Mes étudiants, eux aussi, sont très occupés à travailler toute la journée, dans l’ascétisme d’une étude longue et dure (comme ma bite).

Retrouvez la chronique hebdomadaire de mes grands combats sur le podcast « On a toujours raison » !

On applaudit le pilote !

L’avion est vraiment une avancée formidable pour le genre humain. L’avion nous transporte, au propre comme au figuré. L’avion fait de nous des citoyens du monde. Et c’est merveilleux. Il est vrai que des générations d’ingénieurs, d’industriels et d’aventuriers audacieux ont travaillé dur pour que l’avion prenne son envol. Il a fallu maitriser les forces aérodynamiques, la résistance des matériaux. Les pionniers ont redécouvert la carte du monde en trois dimensions, loin au dessus du sol mais pas sans contrainte, loin de là. Ces génies du passé ont percé, parfois au péril de leur vie, les mystères de l’air.

Aujourd’hui, un voyageur prend l’avion comme un autobus. C’est sûr, fiable et efficace. Un avion moderne est tellement fiable que la plupart des accidents sont causés par l’homme plutôt que la machine. Dans une large mesure, c’est l’ordinateur qui veille sur votre sécurité. Des stations automatisées au sol et des satellites permettent d’arriver toujours à bon port. Avec la précision du chemin de fer suisse, grâce à cette imposante accumulation de techniques et de sciences, testament de l’ingéniosité humaine, le voyageur peut dormir confortablement, rêvant des paysages lointains qu’il foulera bientôt, un filet de bave coulant sur le coussin calé sous sa tête.

Il faut certes endurer les files d’attente à la douane et à l’embarquement, les étranges cérémonies de déshabillage préparatoire et de rhabillage hâtif, à la manière des amants interrompus. Il faut souffrir les repas approximatifs, les taxis louches. Mais le pire, le plus insupportable bien sûr, sont les autres congénères qu’il faut supporter durant tout le voyage. L’enfer, comme disait Sartre, c’est les autres.

Dans la masse informe et indéterminée des autres voyageurs, permettez moi de distinguer l’espèce particulière qui m’agace le plus : les gens qui applaudissent à l’atterrissage. Dans l’Antiquité, en des temps où on ne connaissait pas l’avion voire la roue, on applaudissait pour faire taire les orateurs. Merci, d’ailleurs, de ne pas applaudir. Aujourd’hui, on félicite un artiste ou un sportif qui vient de réaliser une performance spectaculaire. Le but d’un applaudissement est de célébrer un exploit, de marquer son admiration pour un tour de force.

Dans un voyage en avion, de tour de force, il n’y a point. Des savants érudits, des ingénieurs compétents, des contrôleurs attentifs, des mécaniciens consciencieux, des pilotes parfaitement entrainés, il y en a plein. De la chance, un exploit, un coup de génie ? Nenni. Ces applaudisseurs intempestifs applaudiraient-ils un plombier ? Un chirurgien ? Je ne pense pas. Voilà pourquoi il n’y a aucune raison d’applaudir un atterrissage.

Du reste, vous devez déjà vous lever et rassembler vos affaires, puis quitter l’avion pour retrouver vos bagages. Il faudra attendre devant un tapis roulant désespérément vide que votre valise apparaisse enfin. Retrouver ses bagages en entier, c’est le dernier mystère de l’aviation, la dernière aventure, la dernière parcelle de magie. Et quand enfin, votre valise apparait, nimbée du mystère d’une apparition à laquelle vous aviez cesser de croire, communiant dans la joie d’un retour inespéré malgré les interrogations qui accompagnent cette présence soudaine devant vous du bagage prodigue, alors là seulement, vous aurez le droit d’applaudir.

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Photo CC-by Visual Applause for the Deaf (Pittsburgh deaf clubhouse), by daveynin

La mailing list de l'enfer

Si vous êtes sur internet depuis longtemps, votre adresse email a probablement été divulguée un peu partout. La plupart du temps, elle finit dans les bases de données des spammeurs. Et comme vous êtes un internaute aguerri, vous vous en moquez car vous avez des filtres. Il existe pourtant un autre type de bases de données qui sont plus sournoises : les mailing lists.

Normalement, vous vous êtes inscrit volontairement parce que le sujet de la liste vous intéressait. Normalement. Parfois, votre email se retrouve dans une liste « par hasard » parce que le créateur de la liste a pensé que vous étiez d’accord. Ou bien il a supposé que parce que vous lui aviez donné votre adresse, il pouvait en faire ce qu’il voulait.

Si la liste est relativement inactive, ou tout simplement abandonnée, cela peut provoquer un phénomène amusant. Imaginez qu’un membre de la liste, se souvenant qu’elle existe, envoie un mail innocent : la machine infernale est lancée.

En effet, l’envoi d’un tel message peut avoir de terribles conséquences métaphysiques pour l’expéditeur.

  1. Le purgatoire : le message est bloqué par le serveur et personne ne le reçoit. L’expéditeur est plongé dans le doute de sa propre existence. « J’envoie donc j’existe ? » Raté.
  2. Le néant : personne ne répond car tout le monde s’en fout. L’expéditeur reçoit sans le vouloir la réponse à la question pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien. La réponse est rien.
  3. Le paradis : dans un exercice de maïeutique digne de Socrate, les participants de la mailing list résolvent le problème posé par le message initial en y répondant intelligemment. L’expéditeur reçoit la confirmation qu’il existe une espèce intelligente sur cette planète et que l’internet, c’est vraiment merveilleux.
  4. L’enfer : le message déclenche les réactions outragées de ceux qui ne se souvenaient pas qu’ils étaient dans cette mailing list. Ces réactions provoquent à leur tour des réactions de deux ordres.

    La réaction outragée de premier ordre se plaint du message initial, alors que quelqu’un l’a déjà fait il y a une heure.

    La réaction outragée de deuxième ordre se plaint des réactions outragées de premier ordre en demandant aux expéditeurs outragés (que nous appelleront de premier ordre aussi, pour simplifier) qu’ils n’ont qu’à se désinscrire.

    On voit alors apparaître des réactions de premier ordre dites dégénérées qui se plaignent de ne pas pouvoir se désinscrire.

    Enfin, si l’intelligence moyenne des utilisateurs est assez élevée, on voit également apparaître des réactions dites de troisième ordre, qui se moquent des réactions d’ordre inférieur. Ces réactions, ironiquement, ne manquent pas d’en provoquer.

    Afin d’éviter une réaction en chaîne catastrophique, la liste est euthanasiée par un administrateur. L’expéditeur initial conclut que l’être humain est, décidément, un animal comme les autres.

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Information overload

Il ne vous est jamais arrivé de penser subitement, sans raison, à une question saugrenue et sans aucun rapport avec votre état d’esprit du moment ? Le genre de pensée totalement étrangère et qui pourtant vous obsède ? Ha bon, jamais ? Vraiment ? Moi, ça m’arrive tout le temps.

Mettez vous un peu à ma place, alors… Je me baladais, je rentrais à la maison après le boulot, et tout à coup, une question surgit dans mon esprit. Cette question, qui venait de nulle part et qui ne m’a plus quitté, était la suivante : mais en quel métal sont faits les caténaires? Vous savez, les caténaires sont ces cables qu’on pend au dessus des voies de chemin de fer pour alimenter les trains.

Je vous assure que je n’ai strictement rien à foutre des caténaires, des trains et de tout ça. Mais alors, rien du tout ! Je ne suis pas un expert du transport ferroviaire et, à vrai dire, la métallurgie n’est pas mon domaine non plus. Pour être totalement honnête, je peux même vous avouer que les techniques de transport du courant électrique m’intéressent autant que l’élevage des huîtres. C’est-à-dire pas du tout. Je pense que vous partagez assez bien ce sentiment.

Et pourtant, je suis un utilisateur régulier des transports collectifs. Je suis même l’heureux propriétaire d’un pass qui me donne le droit d’être en retard et d’attendre sur un quai, comme tous les autres salariés de mon espèce. Vous voyez, je ne suis pas hostile. On pourrait difficilement me qualifier d’ennemi du chemin de fer. Et pourtant, au fond de moi, en plein accord avec mes aspirations profondes, je dois bien admettre que je m’en fous. J’imagine que jusque là, vous aussi.

Il n’empêche que cette question m’a frappé. J’étais confronté à mon ignorance la plus crasse. Pas moyen de connaître la réponse à cette question fondamentale, cruciale et pourtant nimbée de mystère. J’ai vainement tenté de rationnaliser. J’ai mobilisé mes connaissances parcellaires sur le sujet. On ne peut pas les faire en cuivre ! C’est trop mou le cuivre. En acier, peut-être ? Ou en aluminium ? Je me demande si vous aussi, confrontés à cette question, vous auriez eu les mêmes réponses. J’ai de gros doutes.

Je ne vous cache pas que, comme pour toutes les questions sans intérêt de ce genre, je suis allé voir wikipedia. Et là, stupéfait, j’ai découvert que les caténaires étaient fabriquées avec un peu tout ça. Les cables de support sont la plupart du temps en acier ou en bronze. Les cables conducteurs sont en cuivre au cadmium. Oui oui, au cadmium. Ah, vous faites moins les malins, maintenant ?

Je concède que c’est beaucoup plus d’information que je ne souhaitais. J’imagine que c’est pareil pour vous. Trop de wikipedia nuit à la connaissance. On a trop d’informations d’un coup et là, on frôle carrément l’indigestion. Vous saviez que dans certaines régions montagneuses d’Europe, on utilise du 15 kV alternatif monophasé à 16 2/3 Hz ?

Bienvenue dans mon monde…

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Photo CC-BY-SA par Cyril Bras (attention aux yeux). Modifiée (un peu).

Le cartable à roulettes, cet affreux complot

Le cerveau humain a l’habitude d’inférer les causes à partir de l’observation des phénomènes qui l’entourent. Ce mécanisme s’est développé à partir des réflexes les plus simples et a fourni à notre espèce, au cours des âges, une sorte d’avantage compétitif parmi les êtres vivants. Du repérage des prédateurs à la création des outils et du langage, ces capacités d’inférence nous ont permis d’abord de nous hisser au sommet de la chaîne alimentaire. Puis l’humanité a développé tout un système abstrait d’explication du monde, allant de la religion jusqu’aux théories scientifiques modernes.

Toutefois, ce mécanisme a des faiblesses. La principale, la plus fondamentale, c’est celle de considérer les détails simples et triviaux comme des conséquences d’un système, pourtant élaboré par après. Nous avons donc tous une certaine propension à considérer les détails comme des symptômes et les systèmes ou les représentations comme des causes. Pourtant, les plus infimes détails sont parfois des causes premières.

Je vais donc aborder aujourd’hui un détail derrière lequel se cache une cause d’une cruciale importance : le cartable à roulettes.

À l’entrée en 6e (l’équivalent de la 1re secondaire), nous entrions tous, encore bien jeunes, dans la grande école. Une pleine liste de professeurs et beaucoup de livres chargeaient nos énormes cartables de cuir avec des sangles toutes simples. Nous n’avions pas l’air bien à l’aise, ainsi chargés, clopinant sous le poids du savoir ! Mais malgré tout, la connaissance valait bien une scoliose. Tout en évoquant ces souvenirs de vieux cons à l’heure du diner, on me fit remarquer que les plus jeunes aujourd’hui avaient la chance d’avoir, pour la plupart, des cartables à roulettes. Vous savez, les petits trolleys qu’on tire derrière soi, avec un manche télescopique. Ha ce qu’on avait du confort maintenant !

C’était sans doute la conséquence d’une politique de santé publique soucieuse du confort des élèves. On voulait maintenant faire apprendre aux plus jeunes dans le confort et la facilité, les préserver d’un fardeau trop grand.

Mais si nous renversions un instant cause et conséquence ? Et si finalement ce cartable qu’on tire au lieu de porter n’était pas la cause d’un mal plus grand ? Et si en permettant aux blondinets de s’alléger du poids de la science qu’on trouve dans les livres, on ne leur faisait pas insidieusement comprendre qu’il n’était plus la peine de se fatiguer pour apprendre.

Et si ce cartable n’était pas l’outil d’un système qui vise à produire des individus dociles et bêtes, prêts à devenir des gentils consommateurs ? Hein ? Abandonnez donc tous ces livres lourds et chiants. Profitez plutôt de notre dernière offre promotionnelle : un diplôme gratuit pour un acheté. Ce serait évidemment un grand complot, un peu improbable, non ?

Ce serait renverser cause et conséquence. Et ce serait un peu absurde.

[audio:http://dl.dropbox.com/u/337646/oatr77-germain.mp3%5D

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[podcast] On a toujours raison

C’est presque la rentrée. J’époussette le cartable, je range mes crayons, je prépare les papiers vierges. Le podcast On a toujours raison reprendra bientôt.

Ce soir, toute l’équipe fera une émission pilote avant la rentrée. Nous avons fait nos devoirs de vacances et nous revenons en pleine forme avec plus de contenu et plein d’idées à tester. Si vous voulez tendre une oreille curieuse au contenu de cette éprouvette sonore et participer à l’expérience, vous êtes les bienvenus à partir de 19h30.

À bientôt !

Franc belge dans tes oreilles – podcast et radio

Deux petites pubs pour ceux qui y auraient encore échappé :
Homosphère, la planète d’un autre genre. Une émission que j’anime un lundi sur deux sur la RUN, qui parle des pédés, des gouines, des trav, des trans et toutes ces sortes de choses. Moi-même, si je ne me retenais pas, je deviendrais hétérosexuel, c’est dire ! Disponible en podcast.
On a toujours raison, le meilleur podcast du monde connu. Où l’on parle de tout et de rien dans une ambiance détendue et alcoolisée. On espère franchement finir le prochain en se tapant dessus.

Rhoo et puis Carte Blanche, l’excellente émission du dimanche soir sur la RUN, pour laquelle je ne suis responsable de rien mais que tous mes vœux accompagnent.