Regarder les lumières s'éteindre

« I have Alzheimer’s disease.

I’ve probably had it for about two years, but it’s still pretty early in the illness.  Most other people don’t notice my illness yet, although my memory is starting to move from a normal “bad memory” that lots of older people have to an abnormal “there’s-something-wrong-with-his-memory.”  I don’t feel abnormal, at least not yet.  But, in addition to the memory problem, I’m certainly slowing down.  As a retired physician who has seen his share of mentally declining patients, I know what’s most likely in store as the disease gets worse: A long, progressive mental decline (to the point, for instance, where I don’t recognize my family), nursing home care, and early death from complications of the disease. »

David Hilfiker, un médecin à la retraite, raconte le début de sa maladie. Poignant.

Le futur du journalisme (avec des blagues)

Reading the news in France
Reading the news in France. Photograph by Maynard Owen Williams, National Geographic

Le monde est de plus en plus complexe, interconnecté. Ses mutations sont de plus en plus rapides. Pour le comprendre, je veux lire une presse de qualité. D’ailleurs je ne suis pas le seul, tout le monde jure qu’il veut la même chose, avant de retourner liker des vidéos de chaton sur facebook ou la dernière connerie d’une candidate de télé réalité. Afin d’éviter le bouillon maigre et tiède de la presse traditionnelle subventionnée, d’une part, et le vomi répugnant du buzz d’autre part, je me suis aperçu que j’avais de plus en plus tendance à payer pour lire des contenus de qualité : Arrêt sur images, Wired, The Economist, The Magazine… Si j’additionne les quelques pièces que me coûtent chaque abonnement à des contenus journalistiques et/ou convenablement édités, j’atteins aisément 200€ par an. J’ai la chance de pouvoir me le permettre.

Sans les avoir vraiment décidés a priori, plusieurs critères ont présidé à ma sélection de contenus. Tous ces abonnements sont : 1) numériques, 2) bien réalisés et adaptés au support, 3) peu chers tous les mois, 4) avec peu ou pas de publicité, et 5) dotés d’une voix singulière. Certains médias issus de publications traditionnelles et auxquels je suis abonné ont encore recours à la publicité. Néanmoins, je privilégie les médias sans pub qui ne vivent que des abonnements et de leur propre contenu (édition, événements, partenariats).

Le problème avec la presse quotidienne ou magazine traditionnelle, c’est qu’elle répond mal à ces critères. D’abord, elle n’est pas seulement numérique mais empêtrée dans les modes de production classiques du papier. Comme cette production immobilise énormément de capital, coûte très cher et perd de l’argent, le numérique est relégué au second rôle. Par manque d’investissement ou par volonté de contrôler toute la chaîne de valeur, qu’il faut maintenant partager avec Apple, Google et les autres, le résultat est souvent une application ou un site peu ergonomique.

La presse traditionnelle, à cause d’une structure de coûts héritée du papier, n’a pas les moyens d’investir ni la rentabilité suffisante pour prendre des risques. Les abonnements sont donc vendus très cher, souvent groupés dans un abonnement full option, dans l’espoir de capter un plus gros chiffre d’affaires. Comme elle dépend beaucoup de la publicité, elle se retrouve en ciseau car la publicité dans la presse papier est en train de disparaître et les revenus du numérique ne compensent pas cette baisse. Si l’information devient libre et gratuite, alors elle devient un objet de marketing.

Contrairement à la publicité qui fait du lecteur un consommateur passif, l’abonnement incite le lecteur à lire et à s’intéresser au modèle d’affaires, qui garantit la pérennité et l’indépendance du médium auquel il est abonné. Les contraintes financières et la chasse aux annonceurs obligent à faire des compromis sur la qualité et la singularité du ton. En se libérant de la pub, de nouvelles structures éditoriales indépendantes, financées par leurs lecteurs, peuvent émerger et prendre des risques.

Pour se libérer des contraintes de la presse classique, Paul Carr s’est lancé dans un projet éditorial ambitieux : NSFW Corp. Leur slogan est « le futur du journalisme (avec des blagues) ». C’est sans doute très prétentieux mais si vous connaissez la personnalité de Carr, vous ne serez pas surpris. NSFW Corp. est une start-up indépendante basée à Las Vegas, qui édite un site web d’articles et d’enquêtes, uniquement réservé à ses abonnés. Chaque abonné peut aussi « débloquer » et partager 10 articles par mois. Les abonnés ont également accès à la newsroom, sorte de liste de diffusion interne où la rédaction échange ses notes. La rédaction anime également un podcast d’une heure en direct tous les matins.

Le projet est intéressant par plusieurs aspects. D’abord, les auteurs ont été choisis pour leur plume et leur style. Je dois avouer que c’est un plaisir de relire la clique de The Exile. Ce sont des vétérans. Ensuite, ils sont très bien payés et ont les moyens d’enquêter. Les articles sur le site sont longs, parfois découpés en feuilleton. Le journal a également une opinion marquée à gauche (au sens américain du terme), un peu anar. J’aime assez. Dernière innovation : ils viennent de lancer une édition mensuelle sur papier. Ils ont de l’ambition, des moyens et la volonté de tout réinventer. Et de se marrer en le faisant.