Cette semaine, je suis tombé sur une affiche qui faisait la promotion du Festival des libertés. Si comme moi vous êtes curieux, vous vous demandez ce que c’est. D’après le site, il s’agit d’un événement « politique et artistique, métissé et créatif, festif et subversif » qui « mobilise toutes les formes d’expression pour se faire le témoin de la situation dans le monde, alerter des dangers qui guettent, rassembler dans la détente, inciter à la résistance et promouvoir la solidarité ». Je vous épargne le passage sur les « utopies ».
Ce manifeste des mutins de Panurge, qu’aurait pu ironiquement rédiger Philippe Muray si le brave homme était toujours vivant, n’est malheureusement rien d’autre que la bouillie mentale produite par notre époque. Une époque qui ressemble à un accident de train passé au ralenti, qui plongerait dans la mélasse. Ce n’est pas la vigilance citoyenne et la vertueuse solidarité subsidiée par nos impôts qui m’a dérangé. J’ai depuis longtemps l’habitude de la tartufferie d’une époque indignée mais qui vit à crédit. Non, c’est un point de sémantique très précis qui m’a immédiatement frappé : le pluriel du mot liberté.
Ceux qui écrivent « les libertés » pensent-ils donc qu’on peut les dénombrer comme on mesure un champ ? Croient-ils que la liberté se mesure à la longueur des barrières ? Existe-t-il une liste des libertés autorisées ? Doit-on rendre grâce à la mansuétude de nos maîtres de nous avoir donné de si longues chaînes ? Dans un festival, peut-être ? Ce pluriel suggère la finitude et le caractère dénombrable des libertés admises et dûment enregistrées. Ce pluriel représente le rabotement permanent que l’époque fait à la liberté. Je ne vois là rien à fêter.
Quand le pluriel veut dire moins que le singulier…