Que d’attente, que d’impatience, que de fébrilité ! Il y a quelques jours devaient être annoncés les résultats de la sélection des pays organisateurs des prochaines coupes du monde de football. Voilà maintenant la réponse : La Russie organisera le Mondial 2018. Le Qatar organisera la coupe de monde 2022. La candidature belgo-néerlandaise n’a pas été retenue, par manque de pétro-dollars, sans doute.
J’ai vu surgir un débat intéressant dans le microcosme de twitter – d’autant plus intéressant qu’il est aussi à la une du Soir, le grand quotidien belge francophone. Pour ou contre la coupe du monde ? Pas pour ou contre le principe (encore que la question puisse être posée) mais pour ou contre son organisation en Belgique.
Les uns, soutenant que c’est une excellente opération économique et de communication, sans parler de la liesse populaire, étaient farouchement pour. Les stades sont délabrés, les emplois à la clef seront nombreux, le commerce et toutes les télés du monde tourneront à plein régime. Les autres, considérant qu’il y avait beaucoup d’argent à dépenser et pas grand chose à gagner dans un spectacle éphémère, dédaignant le football comme un sport de rustres, étaient farouchement contre.
Je vais vous donner mon opinion tout de suite, qu’on s’en débarasse car elle n’a, après tout, pas beaucoup d’importance : j’étais plutôt opposé à l’idée. Non pas que je pense que la Belgique n’avait aucune chance ou que le spectacle en eût été moins intéressant. Je ne dédaigne pas la ferveur quand elle est sincère. La Belgique avait parfaitement les moyens d’organiser cette grande rencontre sportive planétaire. Je pense juste que ces moyens seraient bien mieux employés à autre chose.
En effet, la performance économique d’une telle opération, plus ou moins hasardeuse au demeurant, dépend largement du torrent d’argent public qui sera déversé dessus pour le plus grand bonheur d’intérêts privés. Le mélange argent public/argent privé, c’est d’ailleurs une caractéristique du sport « de haut niveau », une manne qui a – je le crains – irrémédiablement endommagé le football, mais c’est une autre histoire.
La partie de l’argument auquel j’arrive maintenant, et qui m’intéresse vraiment, c’est que certains percevaient chez les anti-foot comme une sorte de mépris envers la passion populaire sincère pour un sport, le plus humble peut-être, qui se joue avec un ballon. C’est la dialectique assez classique élite vs. le peuple. Faut-il aimer le foot sous peine d’être taxé d’élitisme forcené ? À l’inverse, faut-il détester le foot sous peine de passer pour un beauf ?
Ce qu’il y a de bien avec cet argument, c’est qu’il est complètement tautologique (ou circulaire, ou idempotent comme vous voulez). On peut toujours l’opposer à l’adversaire dans un sens ou dans l’autre. Pourquoi ? Parce que ce sont des notions totalement abstraites et générales. Le peuple, ça n’existe pas. L’élite, en dehors des auto-références et des idiotismes, n’a pas de sens car elle est toujours relative. Nous appartenons tous à la fois à la majorité et à la minorité un peu en même temps.
La pire des attitudes, c’est de s’accrocher à ces définitions pour faire croire qu’on est tantôt du côté du peuple et des humbles, tantôt du côté des initiés et des puissants. C’est presque pire que de croire qu’on peut vraiment couper le monde en deux entre les gentils et les méchants.
Retrouvez la chronique hebdomadaire de mes grands combats sur le podcast « On a toujours raison » !