J’ai toujours eu l’intuition que Twitter était de droite et Facebook était de gauche. Comme toute activité sociale humaine, elle est politisée. Cette intuition semble être régulièrement confirmée par des faits ou des anecdotes. Cela n’en fait pas une théorie mais accordez moi qu’elle est amusante.
Peuple de Facebook, aristocratie de Twitter et sociologie de comptoir
Ce qui frappe l’observateur habitué à la fréquentation des deux plateformes, c’est la composition sociologique assez différente de ses utilisateurs. Facebook est un très grand réseau qui ressemble beaucoup à la population générale. La recherche du consensus, les idées convenues voire les clichés, vous assurent une quantité raisonnable d’interactions avec vos contemporains. Facebook, c’est le réseau centriste, gentiment mendésiste ou social-démocrate. C’est le réseau qui aime les enfants, les chats et les bombes qu’on envoie sur les dictateurs (mais pas sur les enfants ou les chats). Facebook n’a pas besoin d’une journée nationale du premier degré sur internet. Facebook est le terrain de jeu des classes populaires et des professions intermédiaires, des instituteurs et des caissières. Ça pue la sueur et donc la gauche.
Twitter en revanche est exclusivement peuplé de cadres blackberrisés qui twittent entre deux avions. Twitter rassemble une petite élite sociale qui n’a que faire du kolkhoze facebookien. Cette élite n’a pas envie de frayer avec la plèbe. D’ailleurs, elle snobe MySpace et les skyblogs depuis longtemps. En fait, elle les snobe depuis le début parce qu’elle sait, cette élite, que c’est forcément nul puisqu’elle l’a décidé. C’est un privilège de classe de pouvoir dire le bon goût. Peuplé d’influenceurs, de trendsetteurs et de branleurs, Twitter est un gigantesque rallye dansant de la noblesse du web. Ça sent bon les privilèges et donc la droite.
Si ces populations ne se mélangent pas (ou peu), ce n’est pas seulement à cause de leurs affinités et de leurs aspirations, qui sont fort différentes. C’est aussi pour des raisons philosophiques profondes. Les deux réseaux ne sont pas basés sur les mêmes prémisses morales, de manière aussi radicale que la gauche et la droite divergent (ce qui est énorme, comme chacun sait).
Divergence axiologique et droit d’ouvrir sa gueule
Sur Facebook, la relation sociale est symétrique. Même s’il est possible de contrôler très finement ce qu’on dévoile à l’un ou l’autre de ses « amis », cette relation est le plus souvent égalitaire. Elle est même généralement, pour l’utilisateur des réglages par défaut, très impudique. Tout est dévoilé à tout le monde et tout le monde peut participer. Facebook est une maison de verre, voire un studio de télé-réalité. Les candidats sont souvent du même niveau puisqu’à la télé de masse succède le réseau social de masse. Certains utilisateurs finissent par considérer Facebook comme un service public, une sorte de bien commun, oubliant que c’est d’abord une entreprise californienne. Un enseignant accuse Facebook de censure et demande réparation pour le préjudice moral. Cette personne est sans doute très satisfaite que Facebook censure les pédophiles et les racistes. Avec un peu de chance, elle fait même partie d’un groupe contre les sectes.
Inversement, sur Twitter, la relation est asymétrique. Vous ne pouvez obliger personne à vous lire et c’est vous seul qui choisissez ce que vous lisez. Vous avez une totale liberté de parole, mais personne n’est obligé de vous écouter. Le bouton block ne censure pas l’importun, il vous rend sourd à lui, ce qui est très différent. Même l’arme du report as spam n’est pas une arme de censure efficace. Les administrateurs du site font preuve d’une très subtile et plutôt libérale modération. Le succès ou l’échec dépend uniquement de ce qu’on fait et l’on peut y faire ce qu’on veut. Les conseils du bien-twitter font d’ailleurs sourire l’utilisateur chevronné : ici, tout le monde a 140 caractères et chacun se démerde.
Pourtant, j’ai tendance à observer que la tolérance pour les idées contraires, qu’elles soient de gauche ou de droite, est plus répandue sur Twitter. Les extrémistes et autres marginaux sont sur-représentés. Les engueulades les plus vives ne sont pas forcément basées sur des différences idéologiques. Dans ma timeline, je vois plus souvent des piques anti-sarkozistes que des déclarations d’amour à Claude Guéant. Il paraitrait même qu’internet est de gauche.
Alors, Twitter est-il vraiment de droite ? Ni droite, ni gauche, en fait. Ce qui veut dire de droite.